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« Il faut avoir des conversations courageuses avec ses clients, les communautés auxquelles on désire s'adresser » Frédéric Bedin, Hopscotch

Publié le 15 décembre 2022 à 14:45 par Magazine En-Contact
« Il faut avoir des conversations courageuses avec ses clients, les communautés auxquelles on désire s'adresser » Frédéric Bedin, Hopscotch

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Relations exquises et sous haute tension dans l’univers de la haute joaillerie.. de l'importance du grand coffre de voiture pour être apprécié des spécialistes de Canyon, Giant ou Mercier ( les cyclistes)… Moins d’un mois après celui commis par Olivier Duha (Webhelp), c’est un autre grand spécialiste de la relation et du capital relationnel, Frédéric Bedin, que nous sollicitons au sujet de son “Bled”, intitulé La Relation, le nouvel or des entreprises. L’ouvrage, collectif puisque rédigé avec l’équipe de Hopscotch (et Laurence Malençon et Benoit Désveaux) rappelle que des changements, on devrait dire des révolutions, ont dézingué les anciens codes de la communication et de la pub et qu'il convient de s'adapter. Et si, en sus de l'IA, les relations et la force de celles-ci constituaient un asset, une richesse méconnue qu'il conviendrait de consolider, conforter ? Comment nouons-nous des relations commerciales profitables ? Acquérir ou louer, en mode SaaS, un logiciel pour gérer et historiser ses relations ( du type Hubspot, Salesforce etc) suffit-il à faire le job? Anne-Laure de la Grandière, associée à Judith G, est une référence dans la création des communautés dans le luxe (..) il ne faut plus toucher des cibles mais dialoguer avec des communautés (..) la GenZ va obliger les entreprises à se préoccuper des relations plus que de la simple transaction, le grand coffre des automobiles  Skoda a permis à la marque d'être appréciée des cyclistes ..voilà quelques-uns des enseignements tirés, précis, commentés avec détail dans ce livre. Reste, chez Hopscotch, à répondre aux sollicitations qu’on adresse à l’agence via leur formulaire web *? Pas de stress, les cordonniers sont parfois les plus mal chaussés.

Frédéric Bedin, Laurence Malençon et Benoît Désveaux, les trois auteurs de : “La relation, le nouvel or des entreprises”.

Ces livres ou études** dont personne ne parle. 

Evoquer ce livre, dont on a peu parlé alors qu'il est sorti depuis presque un an, alors que la majorité des marques et des entreprises se targuent des relations qu'elles nouent ou créent et dont elles mesurent la vigueur et la qualité, via le NPS (Net Promoter Score), oblige à un triple questionnement instructif : qui lit encore des ouvrages de management ? Sur le site Fnac.com, on n'a pas trouvé un seul avis client sur l'ouvrage, on en a donc posté un, que la Fnac validera probablement ( délai moyen de validation sur le site Fnac.com: 9 jours). A la Mairie de Paris par exemple, qui gère la relation avec des administrés ? Pourrait-on y prévoir un achat groupé et une lecture, suivie d'une interrogation, de l'ouvrage: on y singe tellement et si souvent d'écouter les Parisiens, via des consultations digitales alors qu'on n'y répond quasiment jamais aux e-mails :). En clair, où sont et qui sont les institutions, marques qui se soucient effectivement des relations nouées avec leurs publics ? Interview de l'un des auteurs. 

 

 

Pourquoi avez-vous écrit ce livre ? 

Frédéric Bedin :  Depuis toujours, nous travaillons les relations avec les publics, tous les publics, que ce soit les gouvernements, les clients, les prescripteurs, ceux qui aiment la musique, le Rock’n’Roll, le ski, le sport, ceux qui passent leurs vacances dans le Sud ou vacances ou sur la Côte Ouest, les anciens de Polytechnique, ou les anciens élèves de nulle part. Tous ces gens-là constituent des communautés, des publics auxquels on peut s'adresser. On a donc choisi d'écrire ce livre parce qu'on s'est aperçu que les livres de marketing n’en parlent jamais : le marketing communautaire est peu ou pas évoqué. A la place, il est question d'une communication descendante, de marketing de masse façon armes de destruction massive, comme les spots de pub à la télé, ou bien d’un marketing chirurgical ayant vocation à s'adresser aux gens individuellement mais qui est opéré par des ordinateurs. Donc du mass media, du one-to-many déguisé en one-to-one, et ça ne marche pas. Nous nous adressons donc au one-to-few car je, on considère que les gens n'ont de valeur que par les communautés auxquelles ils appartiennent et avec lesquelles ils peuvent interagir. C’est du marketing qui devient un peu plus complexe que de se reposer sur des mass media ou des ordinateurs. C'est moins rassurant parce qu'il faut prendre des paris, y mettre plus d'intelligence, demander plus de participation aux gens.

 

Mais quand vous parlez de dialogue avec la ou les communautés, ceci sous-entend  le fait qu'il faut écouter ce que les gens vous disent… 

La relation doit être équilibrée. Si la posture est dominante, ce qui est une tentation récurrente chez les marques, ça ne peut pas marcher. Selon moi, le spot de pub à la télé ne peut pas ou plus fonctionner parce que, par définition, il n'écoute pas les gens. Mais même le marketing one-to-one avec les emails ne peut pas marcher. L’image, c’est celle de toutes les gouttes d'eau qui font tenir un nuage en l'air. Si elles tiennent en l'air, c'est parce qu'elles ont des relations électriques équilibrées entre chacune d'entre elles. Ou bien encore celle de la nuée d'étourneaux qui sert d’illustration de couverture à notre livre. 

 

Les gens ne lisent plus beaucoup, le livre appartient un peu au passé, était-ce vraiment le bon canal pour partager vos convictions ? 

On se doute bien que ce livre ne va pas être lu par beaucoup de monde. En revanche, c'est un travail de formalisation, une tentative de travail « académique ». On va ainsi organiser une session de conférences en janvier à la Sorbonne avec un chercheur qui a inventé tout ce qui relève du capital conversationnel, Maurice Obadia, et qui s’est fait virer des universités françaises. Faire un livre, c'est un peu un fait générateur de prises de parole, mais notre prise de parole est communautaire et complexe. Nous avons été contactés par un tas de gens qui nous disent être similairement passionnés par ces sujets. Le livre crée un lien, un effet de cristallisation de la communauté des gens qui s'intéressent à cette communication innovante 

Il y a les beaux discours marketing et la réalité du terrain…Pour les métiers dits de la première ligne par exemple, qui sont un peu déconsidérés, comment fait-on pour que cette question essentielle, celle de la valorisation des savoir-faire relationnels, devienne globale ? 

C’est une question politique, sociologique, philosophique, vous avez complètement raison. Nous essayons d’expliquer à nos clients qu’ils ont une responsabilité sociétale en tant que marque. Aujourd'hui, la RSE, ce n'est pas seulement vouloir faire du greenwashing en disant qu'on va avoir un bilan carbone plus propre, mais c'est aussi avoir un rôle transformatif de par ses compétences de communication professionnelle et d’animation de toutes les communautés. Il y a beaucoup d'entreprises qui commencent à s’occuper des relations à l'intérieur de certaines communautés, à commencer par leur communauté interne où il y avait quand même beaucoup de travail. Mais toutes les boîtes ne sont pas admirables, je suis d'accord. Et là où elles sont le moins admirables, c'est souvent dans les relations qu'elles ont avec leurs clients. D’excellents exemples existent à l’inverse, comme Patagonia. Je me trouve actuellement aux Etoiles du Sport, un événement qu'on organise à Tignes autour de la transmission des valeurs entre les sportifs de très haut niveau et les jeunes sportifs, futurs sportifs de haut niveau. Et il y a des marques partenaires qui s'intéressent vraiment beaucoup justement à l'animation de la communauté de l'élite du sport, pas seulement pour l'élite, mais aussi pour partager un certain nombre de valeurs avec l'ensemble des sportifs, y compris vous et moi quand on fait du sport le dimanche matin. ( Un bon exemple est détaillé sur ceci, en lien avec Skoda, dans le livre)

 

Ce trajet est-il réellement initié ?

J'ai beaucoup d'exemples extrêmement méprisables en tête, y compris dans les communautés internes et dans l'arrogance et la posture des marques. Il suffit d’aller voir ce qui se dit sur les réseaux sociaux à #balancetonannonceur » et #balancetonagency, pour voir qu'il y a un certain nombre de marques qui ont pas compris que leur posture relationnelle avec leurs collaborateurs, leurs fournisseurs, leurs clients, même si elles font énormément d'argent, n'est plus admissible. Voyez, j'organise un très gros événement pour une grande marque de luxe, un client que j'ai depuis longtemps, et je peux vous dire que par rapport à d'autres marques du même univers que je ne citerai pas, les gens de C…. sont exquis. Je ne dis pas que, de temps en temps, il n'y a pas des discussions difficiles, que ce soit sur l'argent ou sur la créativité, parce que bien sûr, on se fixe des challenges et, comme un coach avec un sportif, on n'est pas là pour s'envoyer des fleurs toute la journée. Et quand il arrive qu’on se dise les choses, on le fait avec respect, y compris quand on se dit des choses dures. Nous avons la chance d'avoir pas mal de clients comme C…., avec lesquels on a un relationnel de respect mutuel et c'est très agréable. Et ça percole chez nos fournisseurs qui me disent : « j'adore bosser avec vous pour ces clients. »

 

Il existe à Paris une direction de l’accueil des publics, la Mairie de Paris a organisé une consultation digitale pour l’aménagement des alentours de la Tour Eiffel; que leur conseilleriez-vous de ce point de vue si, d'aventure, l'équipe de Mme Hidalgo vous sollicitait ?

Je conseillerais à Paris, comme je le conseille à tous mes clients, de ne pas traiter la population comme un seul ensemble, une sorte de gros magma. Une telle consultation en ligne, qui prétend s’adresser aux Parisien, c’est la négation de la complexité de la situation. Ce que j’explique dans le livre, c'est qu’il faut faire un nénuphar, c’est-à-dire cartographier les communautés auxquelles on doit s'adresser. Il faut se poser la question du service procuré à ces communautés, en tant que ville de Paris, marque de shampoings, de lessive ou en tant qu’homme politique. Les entreprises vont chercher des raisons d'être aujourd'hui globales. C'est pour moi une erreur majeure. On ne trouve jamais de raisons pertinentes pour tout le monde mais pour des groupes. La raison d'être de L'Oréal n’est pas la même pour les gens qui ont des maladies de la peau que pour les familles qui partent au ski. 

Et l’erreur de la mairie de Paris, c'est de traiter les Parisiens comme un seul paquet : les habitants du septième arrondissement, les touristes américains et les touristes chinois, qui n’ont pourtant pas la même pratique du tourisme… Et les Français qui ne sont jamais montés à la Tour Eiffel ne sont pas même une cible, une population traitée, une communauté identifiée. Une fois la cartographie effectuée, on réalise ce nénuphar : on prend les communautés dans l'ordre d'importance, ce qu'on aurait appelé dans le temps les innovateurs, les early adopters et les followers. Il ne faut pas attendre des gens qu'ils achètent vos produits, qu'ils fassent tout ce que vous voulez leur demander si ne vous commencez pas par vous mettre à leur service..

 

Dans toutes les relations il y a des hauts et des bas, mais c’est sur la durée que la fidélité à une marque s’éprouve, est-ce que cette notion de CRM dans la relation est un sujet qui est appréhendé et compris par les marques selon vous ?

C’est sûr qu’il y a des hauts et des bas, il faut faire gaffe à ce que les bas n’en viennent jamais à s’approcher du point de rupture : nous entraînons nos collaborateurs et nos clients à avoir des conversations courageuses avec leurs interlocuteurs dans les différentes communautés : se dire les choses plutôt que de faire l'autruche. Et quand on fait de la communication de crise par exemple, on s'aperçoit que si l'on a su créer une relation avec des hauts avant, la communication de crise, même si elle est dans une phase très basse, se termine vite. Si on n’a jamais eu une relation équilibrée et positive avant, en revanche…

Les chemins de l'Aube, de Sylvain Vegara, éditions Ampelos

La suite et la critique du livre, dans En-Contact, en Janvier 2023 rubrique “On a aimé” et une grande enquête sur le capital que peut représenter l'analyse des conversations menées au service , commercial ou technique des entreprises.

Pour aller un peu plus loin: 

Deux autres ouvrages lus et que nous conseillons : Camilla Bellone, une chercheuse de l'Université de Genève, a publié cette année l'étude que quantité de dirigeants devraient lire. 

Les chemins de l'Aube, de Sylvain Vegara, éditions Ampelos. Un texte qui a mis 37 ans à être publié, récit de l'un des plus jeunes internés non-juifs à Buchenwald.

Anne-Laure de la Grandière, qui ne travaille plus chez Hopscotch, mais désormais chez Merci Raymond, est citée dans le livre, à partir de la page 64, comme l’une des bonnes connaisseuses et expertes, avec son binôme Judith G, de la création et d’animations de communautés et d’expériences personnalisées pour les clients des marques de luxe. Un des chapitres instructifs du livre, qui en contient beaucoup. Et nous a rappelé un autre excellent ouvrage qui date et mériterait d’être plus connu :  Le capital conversationnel de Bertrand Cesvet, sorti en 2008 ( et CEO de Sid Lee). 

*Nous avons tenté, un peu taquin, d'engager une relation avec Hopscotch, via leur formulaire de prise de contact, une mode très développée dans les entreprises, qui évoquent toutes le primat de l'humain et ont remplacé le standard, l'accueil téléphonique, par un ou des formulaires de contact. On attend la réponse ou la reprise de contact par quelqu'un de l'agence au sujet de la demande exprimée. Au standard de Hopscotch, on répond plutôt très vite par contre et de façon efficace !

 

Photo de une : Frédéric Bedin - crédit © DR

 

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