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Dis-moi Céline... L'omnicanal aux Grands Magasins, ça fonctionne?

Publié le 01 mars 2022 à 09:17 par Magazine En-Contact
Dis-moi Céline... L'omnicanal aux Grands Magasins, ça fonctionne?

LE PRIX DE LA FIDÉLITÉ.

Après 20 ans passés dans l'un des plus grands magasins français, et comme quantité de cadres que la pandémie aura amenée à réfléchir au sens du métier qu'ils pratiquent et pour lequel ils sont rémunérés, Céline Le Grand a fait le grand saut. Pour reprendre une auberge dans la Creuse ou pour souffler ? Tout n'est pas dicible, mais la vision pragmatique de ce que doit faire, peut faire une grande enseigne pour muter, continuer d'inspirer ses clients, ses collaborateurs nous est partagée par l'ex Responsable de la relation client de Printemps.com. Une interview instructive, qui dit le fossé entre ce qui est annoncé et proclamé parfois dans les salons et webinars, le poids des marques, aussi lourd qu'un secret dans les familles, le courage d'aller respirer ailleurs. Qui confirme les propos tenus récemment par Philippe de Mareilhac-Mulliez (Market Value): l'omnicanal serait-il le grand oublié des grandes enseignes prestigieuses du Retail ? 

Résumé de carrière et étapes marquantes de ton parcours, svp. On n’est pas là pour rigoler.
Céline Le Grand : Je suis un pur produit Printemps où J’ai travaillé un peu plus de 20 ans, tout d’abord dans le retail sur des postes de management (manager, direction des ventes) très opérationnels et au cœur de l’activité. Puis, convaincue que l’humain faisait la différence, je me suis orientée vers la relation client ; j’ai mis en place en tant que responsable de la relation client un programme de Mystery Shopping, des formations, un dispositif de valorisation et un projet de promotion de la culture client. J’ai ensuite accompagné le développement digital du groupe pour monter et piloter le service client du site Printemps. com qui a été lancé 2 jours avant le premier confinement. J'ai même contribué à la mise en place d'un service client partiellement externalisé, d'un CRM pour ce service, français: easiware.

( On comprend donc que.. rien n'a été épargné à Céline )  

Mais tu as quitté le groupe qui t'employait. Qu'est-ce qui explique ce grand saut ?
Les 2 dernières années m’ont énormément « challengée » avec des côtés très positifs (découverte du digital et de sa dynamique exceptionnelle, nouveau métier, nouvel environnement, nouvelle équipe) mais aussi très complexes (turnover élevé, lancement d’une activité en 100% télétravail, multitude d’outils, évolutions permanentes sans que le socle soit suffisamment solide). Je crois vraiment que c’est cette expérience qui m’a donné le déclic, m’a fait réfléchir sur l’évolution du monde du travail et des pratiques managériales. Cela m’a donné envie de bouger, de découvrir, d’expérimenter, d’apprendre.

Les distributeurs, retailers comme on dit, sont confrontés à une révolution copernicienne.
Pour moi cette révolution se résume en deux mots : le digital et le sustainable. Tous deux viennent bousculer le retail qui n’avait pas vraiment bougé depuis... 150 ans. Le e-commerce révolutionne le monde du Retail par sa vitesse car le client s’habitue à avoir tout, tout de suite. Magasins physiques et organisations doivent s’aligner sur ces nouveaux standards ce qui a un impact très fort sur les équipes et sur la façon dont on travaille. La mise en place des accompagnements nécessaires est un immense challenge managérial, loin d’être facile à relever. La sustainability est un enjeu de société dans lequel les retailers doivent également s’investir. Il suffit de voir le nombre d’initiatives visant à développer les produits de seconde main ou l’upcycling.

Le cas des grands magasins est spécifique, pourquoi ?

L’omnicanalité est l’enjeu majeur du commerce en général, et du grand magasin en particulier. Cela nécessite une remise en question assez profonde du fonctionnement du grand magasin sur des aspects notamment de stock/ approvisionnement/supply chain mais aussi CRM et data client, et bien évidemment SI, et donc sur ses relations avec les fournisseurs. Il faut donc lancer deux chantiers dont le 1er ,colossal mais nécessaire, qui consiste à uniformiser et industrialiser et qui ne coincide pas du tout avec l’ADN d’un grand magasin. Le second est lié aux stocks car un grand magasin n’a pas de visibilité sur le stock des marques, dont celles-ci sont propriétaires, ce qui handicape l’expérience omnicanale. Si l’on prend cet exemple, on voit bien que parvenir à faire vivre une expérience client spécifique, identifiée (celle du grand magasin), tout en permettant aux marques distribuées d’exprimer leur identité, leurs valeurs est un véritable casse -tête, surtout quand les marques en question sont très puissantes. Des pistes de différenciation existent pourtant, comme celle du service de personal shopping, permettant au client de bénéficier d’une offre multi-marques, quand celle en boutiques est forcément mono-marque.

Lenteur à changer le cap du navire, silos, manque de courage, autres, qu'est ce qui explique cet état de « désolation » ?
Les Grands Magasins ont été pionniers dans le développement du Retail. Ce sont certes de grosses machines mais qui sont capables de se mettre en mouvement et d’exploser (dans le bon sens du terme) si on capitalise sur l’humain et sur les valeurs d’innovation qui ont fait leur succès. Il y a une vraie fierté d’appartenance et un attachement très fort à l’entreprise. Les équipes ont de l’énergie et ont envie. Il faut un capitaine qui sache insuffler l’énergie, faire travailler les gens en équipe, donner envie à chacun de donner le meilleur de soi, et alors le résultat sera extraordinaire. Je crois en une révolution du management en général, induite par le télétravail notamment et les attentes des nouvelles générations.

L'omnicanal et l'usage pertinent des technologies te semblent-ils de nature à permettre de relancer les gaz, ou d'autres choses ?
Bien entendu, et c’est bien la direction qui est prise. L’un et l’autre sont indispensables pour parvenir à faire à nouveau du grand magasin LA référence du commerce. Les technologies vont permettre le développement de l’omnicanalité via la fluidité du parcours client, encore faut-il en effet que leur usage soit pertinent, ce qui nécessite notamment de prendre le temps du changement, ne pas vouloir innover pour innover. C’est pour cela qu’investir sur le capital humain me paraît indispensable ; que l’on parle d’accompagnement au changement dans le cadre d’un projet de transformation, d’un dispositif de télétravail, de favoriser l’épanouissement et donc la productivité des salariés grâce à un climat de confiance, de valoriser les performances individuelles mais aussi collectives.

Tu es nommée “patronne” de la transformation par le board. Qu'y a t'il et qu’insères-tu dans les slides qui présentent et recensent les quick wins ?
Onboarding ! On ne réussit pas une transformation sans embarquer tous les maillons de la chaine, tous les métiers et toutes les strates hiérarchiques.

Propos recueillis par Manuel Jacquinet.

TheRealReal ou Vestiaire Collective sont-ils les Grands Magasins de demain ?

On a désiré, afin d'étayer ces propos et cette vision, acheter, pour une proche qui en avait très envie, des boucles d'oreille Tiffany&Co City Hardwear (modèle en argent). Largement portées par Leila Bekhti lors d'un Festival. Le produit n'est disponible nulle part dans les enseignes parisiennes, même pas au stand du Bon Marché. Il faudra 3 ou 4 jours et le rappel aimable du conseiller de vente du stand au Bon marché pour apprendre que le seul exemplaire disponible en Europe, a priori localisé en Allemagne, a été réservé par une cliente fidèle. Il nous avait été annoncé comme disponible, ô joie.. initialement. Mais sa carte 24 Sèvres devait être d'une autre couleur, ce sont des choses qui arrivent. La visibilité sur les stocks, les sites web qui annoncent Quantité Limitée, soyez prévenus lorsque le produit sera disponible illustrent les propos de Céline. Un seul exemplaire à acheter, disponible chez Gem, aux USA, qui se présente comme un Fashion Activist. Il faudrait donc, plutôt que de se rendre en magasins, consacrer des heures, seul devant sa tablette, à pister des boucles d'oreille comme un Davy Crockett (célèbre trappeur). Ou n'acheter et craquer que pour Sezane, dont le stand est toujours précédé d'une longue file d'attente. Les DNVB s'arrangent pour avoir du stock. 


En Novembre 2020, Céline Le Grand équipait l’équipe du Printemps. com avec la solution française easiware. Elle en rappelle le contexte et l’appropriation par son équipe.


Pourquoi les femmes qui dirigent des équipes de service client, apprécient-elles, sont-elles nombreuses à apprécier et choisir easiware et non Zendesk, par exemple ?

Céline Le Grand : Lorsque nous avons installé l’outil, je ne connaissais pas les indicateurs et les sujets clés en matière de service client pour des sites de e-commerce et donc c’était un véritable challenge ! Je m’y suis mise à bras le corps, et avec l’appui et l’assistance de deux partenaires. Une équipe de chargés de clientèle, que nous avons choisi de déléguer à un partenaire et un éditeur, easiware, pour répondre et historiser tous les contacts et demandes de contacts, quel que soit le canal : mail, tel, chat etc. Il apparait sur la home page du site, en bas et de façon très visible, en vert ! Ou en cliquant sur le sticky vert en forme de cœur, présent sur toutes nos pages.

Pléthore d’outils existent, aux atouts séduisants, du moins dans les démonstrations qui en sont faites. Pourquoi le choix d’easiware ?
C’est intéressant comme question. J’avais trois grandes préoccupations lorsque nous avons mis en place ceci et avons dû affronter les volumes et types de contacts liés à la période particulière que nous traversons. Être omnicanal et donc intégrer les médias sociaux dès le début de l’intégration de l’outil. Disposer d’un partenaire, je di- rais même d’un éventail de partenaires partageant tous une réelle culture du service. Formaliser les processus et les bibles de réponse adaptés aux cas que nous pensions rencontrer. easiware travaillait déjà avec Place des Ten- dances (Groupe Printemps), qui en était très satisfait. Leur outil est désormais omnicanal, ce qui nous évite d’avoir à cumuler ou juxtaposer différents outils. Je n’ai pas participé à la consultation qui a permis de les retenir comme solution, ce qui est toujours un peu délicat, mais j’avoue que cette sélection a été pertinente. L’outil fonctionne bien, il est presque trop riche dans un premier temps, ce qui s’avère ensuite bien utile : on peut tout faire avec mais il faut donc prévoir un temps d’adaptation pour saisir et profiter de toutes les possibilités de reporting, de para- métrages.

Qu’observez-vous après ces quelques mois de sollicitations qui ont dû être intensifs du site marchand et donc de l’outil ?
CL : Que le téléphone demeure le premier canal de contact. Que c’est un véritable atout de répondre en omnicanal si tant est que les équipes y soient formées. Easiware est riche, évolutif et donc nous pourrions l’utiliser un jour en magasin. Il est riche en termes de fonctionnalités ce qui nécessite une grande autonomie de la part des clients, par contre.

 

Propos recueillis avant le départ de Céline Le Grand du Printemps.

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