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Bloctel, ça marche ? La réponse de Rachel Becuwe de la DGCCRF ? On l’attend…

Publié le 19 décembre 2016 à 20:15 par Magazine En-Contact
Bloctel, ça marche ? La réponse de Rachel Becuwe de la DGCCRF ? On l’attend…

Bientôt 3 millions d’inscrits sur Bloctel (la liste anti-démarchage téléphonique) et déjà 300000 réclamations. Mais 2 plaintes uniquement lancées par la DGCCRF. What’s up ?

Le gouvernement français s’enorgueillit du nombre important d’inscrits sur la liste bloctel (bientôt 3 millions), censée permettre la fin du démarchage téléphonique non-sollicité. Pourtant, plus de 300000 abonnés à cette liste ont déjà fait des réclamations, sur un fonctionnement inopérant de cette liste qui n’a pas empêché certaines entreprises de les appeler. Deux plaintes seulement ont été déposées par la DGCCRF. La différence entre ces deux chiffres ? Elle témoigne d’une limite réelle sur la capacité des autorités à poursuivre effectivement les contrevenants à la loi. Rachel Becuwe-Jacquinet, Énarque et administratrice à la DGCCRF, en charge de ces questions, a été sollicitée par la rédaction d’en-contact sur ces chiffres. Sans réponse à ce jour. L’histoire qui suit illustre les raisons pour lesquelles le télé-marketing abusif fait parfois de vrais dégâts.

Article publié en 2013 : Il est légal d’usurper des numéros de téléphones en France ! (L’histoire malheureuse de Joelle P. à Villegongis…)

Le sénateur Jacques Mézard – qui a déposé et réussi à faire voter, le 19 septembre au Sénat sous le numéro 118, un amendement visant à réduire le télémarketing non sollicité (voir document joint) aurait-il eu besoin d’un exemple édifiant pour faire avancer son projet qu’il ne s’y serait pris autrement : les mésaventures qui sont arrivées récemment à Joëlle P., habitante de Villegongis, illustrent en effet à quel point le marketing téléphonique doit ou risque d’être encadré prochainement, comme il l’est dans de nombreux autres pays.

Rappels des faits : Quand une quinquagénaire se fait usurper son numéro de téléphone par une plateforme d’appels qui propose par téléphone des panneaux solaires (voir article de la Nouvelle République).

Le point de vue de l’expert (Manuel Jacquinet rédacteur en chef d’En-Contact, le magazine professionnel des centres d’appels) 5 questions pour mieux comprendre le sujet et décrypter ce cauchemar.

• Est-il techniquement possible* pour un centre d’appels de faire figurer comme numéro d’appelant un “numéro noir” choisi par lui-même ?

Oui tout à fait… les centres d’appels utilisent pour accroitre l’efficacité de leurs campagnes de marketing téléphonique trois leviers possibles : des automates d’appels (appelés dialers) qui numérotent automatiquement des numéros de prospects/des fichiers de particuliers loués ou issus de l’annuaire téléphonique et surtout l’affichage du numéro appelant. En effet, on observe qu’un particulier ou un prospect a plus tendance à répondre au téléphone à un appelant identifié plutôt qu’à un numéro masqué, ou à rappeler ce numéro, lorsqu’il n’a pas pu décrocher. Dans l’histoire de Joëlle, c’est précisément ce qui s’est passé le : 02 54 36 98 12, numéro de Joëlle, apparaissait chez beaucoup de prospects qui l’ont ensuite rappelée pour comprendre le motif de l’appel. La quinquagénaire était bien incapable (puisqu’elle n’était pas à l’origine des appels) de répondre à ces personnes qui se sont petit à petit alarmées voir énervées puisque certains ont été jusqu’à la menacer par courrier.
*Vocalcom, l’un des leaders mondiaux des logiciels de centres d’appels confirme cette possibilité technique ainsi que bon nombre de ses clients sans recommander de l’utiliser.

Mairie de villegongis
Mairie de Villegongis

• Pourquoi utiliser cette technique ? Tous les centres d’appels le font-ils ?

Un numéro d’appelant qui s’affiche permet de doubler quasiment le nombre des gens qui répondent. Le calcul est vite fait pour les prestataires spécialisés en télémarketing dont la majorité d’ailleurs, sont rémunérés au résultat lorsqu’ils sont sous-traitants. On peut même imaginer d’appeler dans une région avec un numéro de la région pour augmenter le sentiment de proximité qui va influencer positivement le taux de décroché.
Tous ne le font pas, la majorité même des grands spécialistes de télémarketing se refusent à cette pratique comme le confirme Claude Briqué, président d’ADM Value (3500 emplois dans ces centres d’appels spécialisés dans la télévente) « En B to B comme en B to C nous nous refusons à utiliser ce genre de stratagèmes ».

• Est ce légal ?

Oui bien que différentes règlementations déontologiques préconisent de ne pas le faire. (On comprend bien qu’en période de crise de nombreux acteurs négligent ces recommandations). C’est bien d’ailleurs parce qu’il n’y a pas de caractère illégal à cette démarche que le parquet saisi après enquête de la gendarmerie a décidé de ne pas enregistrer de plainte dans cette affaire comme nous la confirmé le commandant de la gendarmerie d’Issoudun.

• Le projet de loi de Jacques Mézard réussira-t-il à abolir ces pratiques ?

Oui et non… s’il est adopté le projet de loi obligera simplement les marques et entreprises à recueillir l’accord des consommateurs avant de les appeler. Il n’empêcherait pas un éventuel prestataire d’utiliser un numéro qui n’est pas celui de son client pour le faire apparaître au moment de l’appel comme numéro appelant. D’autre part le projet de loi de Jacques Mézard vise à règlementer le démarchage téléphonique uniquement pour les opérateurs de téléphonie ou internet.

• Y a t-il eu préjudice pour Joelle à Villegongis ?

Comment appeler la vie d’une quinquagénaire, vivant seule, handicapée, qui se retrouve du jour lendemain appelée environ 120 fois par jour par des consommateurs qui veulent des explications, savoir qui les a appelés, la menacent parfois, se rendent à son domicile pour comprendre ou en arrivent à appeler le maire de la commune… pour comprendre ! La voisine de Joelle a fait enlever dans la rue concernée le numéro sur la maison de sa pauvre voisine.

grand-mere-appleLes trois morales de l’histoire :
Il est légal d’usurper des numéros de téléphones, en France et ailleurs dans le monde (voir notre article sur le  Phone Spoofing qui sera publié le 17 octobre sur les plaintes similaires aux états unis). Même si ça n’est pas agréable mais… heureusement,
Il reste parfois des voisins bienveillants pour vous sauver (Annick Bidron, la voisine de Joelle déclare « J’ai une carabine, elle est chargée et tous ceux qui viennent ennuyer Joelle désormais, je leur dis qu’elle n’y est pour rien ! » )
Vive l’anonymat et la liste rouge : il reste aussi… Orange, l’opérateur historique pour aider votre existence à reprendre son cours normal : l’opérateur, à défaut d’avoir pu empêcher l’apparition malheureuse du numéro de sa cliente dans ces campagnes de téléprospection l’a mise à l’abri : Joëlle est désormais en liste rouge.
Le rouge, certainement désormais la couleur favorite de Joëlle… quelque part près de Châteauroux ! ?

 

Écouter le témoignage d’Annick, la voisine 

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Rédigé par Manuel Jacquinet, Rédacteur en chef du magazine En-Contact
Spécialiste des centres d’appels et des services clients.

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