Le magazine indépendant et international du BPO, du CRM et de l'expérience client.

Mon vrai nom apparaissait sur 20 millions de courriers par an. L'ex-directrice de la relation clients d'Orange Mobile témoigne

Publié le 16 avril 2024 à 14:04 par Magazine En-Contact
Mon vrai nom apparaissait sur 20 millions de courriers par an. L'ex-directrice de la relation clients d'Orange Mobile témoigne

Pendant des années, Nayla Khawam, directrice de la relation client, a signé de son vrai nom des millions de courriers adressés par ses employeurs, Orange, France Télécom, à leurs clients. Tous ses homologues ne l'osent pas, n'y sont pas autorisés, ne le préfèrent pas, comme chez Télérama, X (ex-Twitter). Que risque-t-on à être identifié, joignable, à certains postes, quand on a des abonnés ?

« Mon vrai nom apparaissait sur 20 millions de courriers chaque année. Et je n’ai jamais eu de problème » Nayla Khawam, ex-Orange Mobile puis France Télécom.  

Nayla Khawam, ex Directrice Executive Orange Wholesale France

Peu de professionnels de l’expérience et de la relation client ont eu à gérer dix millions de clients, à leur adresser quelques vingt millions de courriers par an, à répondre à 40 millions d'appels par mois. Ce fût le cas pour Mme Nayla Khawam, désormais retraitée. Est-il dangereux d’être exposée, nommée, face à des clients qui peuvent être parfois mal servis, irrités ?

Était-ce dangereux d’être un directeur de relation client et de signer de son nom ?
A l’époque, chez Orange, on pouvait envoyer jusqu’à 20 millions de lettres, toutes signées de mon nom. Je n’ai pas eu de problèmes significatifs. On était très attentifs aux problématiques de contractualisation avec les clients.

Quel était votre titre précis, à l’époque ?
J’étais directrice de la relation client, mais c’était chez Orange Mobile. Après, j’ai basculé chez France Télécom où j’étais directrice de l’ensemble de la relation client. 

Pendant combien d’années ?
J’ai fait ça chez Orange pendant quatre ans, de 2002 à 2006.

Ce type de décision marketing d'indiquer son nom sur les lettres envoyées, c’était validé ?
C’était une pratique commune à l’époque, ça rentrait dans une démarche globale de personnalisation de la relation avec le client. Il fallait un nom de directeur sur le courrier. Les gens étaient étonnés que ce soit mon vrai nom qui soit affiché; des journalistes m’ont même dit : “Ah mais c’est votre vrai nom ?” 

Sur les problématiques de relation et d'expérience client, le paysage peut semblé bigarré: des innovations majeures surgissent mais également des gens qui sont dans la posture. Quel est votre point de vue, votre sentiment ?
A l’époque où j’étais en poste et dans mon industrie, la relation client était le cœur de la gestion de la boite. La grande avancée faite dans les mobiles chez Orange a d’ailleurs été ce qu’on appelait la prévenance: il fallait trouver et concevoir des solutions sur mesure pour chaque client, comprendre pourquoi ce dernier avait résilié. 

Conserver un client avait infiniment plus de valeur que d’en gagner un. Le service client s'avérait encore plus important que la vente. On recevait 40 millions d’appel par mois. C’était énorme, et d'ailleurs, si vous traitiez mal vos appels, ça se ressentait. Aujourd’hui, tout ceci fonctionne majoritairement via internet. Pour l’essentiel des démarches, ça se passe en ligne et ça ne marche pas trop mal, selon moi. 

Armelle Balanceu, en 2012, chez Direct Energie. Crédit: Edouard Jacquinet. 

Qui ose mettre et signer des courriers avec son vrai nom, sa véritable identité ? ( A ce poste)

Chez Télérama (groupe Le Monde ), comme dans d'autres groupes de presse, on préfère créer de faux directeurs, directrices. Lucile Clément, par exemple, la Directrice des relations abonnés de Télérama, n'existe pas. Qu' a-t'elle à craindre ?

Armelle Balanceu, ex-Directrice de la relation client de 9 Télécom puis de Direct Energie, nous a raconté il y a quelques années qu'elle avait fait disparaitre, non pas son nom des courriers, mais ses coordonnées, de l'annuaire téléphonique, à Paris.  

Parfois, si le service client a été défaillant, avec un abonné en colère ou mécontent du service ou du montant de sa facture, prend on des risques à être connu, joignable ? La réponse est partiellement donnée avec le nombre de vigiles et l'impossibilité d'accéder aux locaux de l'ex-CIPAV, la Caisse de Retraite des travailleurs indépendants. Voici quelques années, la piètre qualité de service et la joignabilité surréaliste de la Caisse avaient obligé la mise en place de mesures de protection des locaux. Trop d'affiliés désiraient venir pour éclaircir ou obtenir une réponse à leurs questions, une réponse qui tardait, moins que les saisies effectuées par les huissiers opérant pour la CIPAV. Ce fût la même mésaventure chez Noos, où des boutiques du câblo-opérateur furent prises d'assaut par des abonnés très en colère, en 2005. Cette année-là, 35 000 plaintes avaient été reçues par la DGCCRF et concernant ce fournisseur. 

Le magazine CEC 9

Del Harvey, chez Twitter, Angélique Gérard chez Free.

Le courage, la nécessité d'écouter en direct la voix du client, sans filtre, de prendre le pouls de l'humeur des abonnés, peuvent constituer de bons motifs d'être identifié(e). Et/ou la nécessité, comme dans le spam and abuse ( le premier nom qu'on a donné dans certaines entreprises, aux services de modération et d'anti fraude), d'être hyper réactif.  

Pendant des années, la célèbre Angélique Gérard a incarné cette conviction, grâce à un engagement personnel significatif, chez Iliad. Dans le métier clé du Trust and Safety, de la modération, Del Harvey a expliqué également les bénéfices et les contraintes de ce type d'incarnation. L'employée numéro 25 de chez Twitter a travaillé sous un pseudo mais était incroyablement joignable. DM Del, comme elle l'a raconté. 

Dans les prochains Cahiers de l'Expérience Client, lisez le dossier spécial sur les Posteurs et Imposteurs de l'expérience client. Ceux qui parlent ou postent, ceux qui falsifient, ceux qui font et délivrent. La relation attentionnée peut connaitre des couacs, comme chez Air France récemment. Pourquoi est-il devenu si difficile, dans certaines compagnies, sociétés, de s'excuser ? Sortie fin Avril. 

Manuel Jacquinet

 

 

A lire aussi

Profitez d'un accès illimité au magazine En-contact pour moins de 3 € par semaine.
Abonnez-vous maintenant
×